Le top départ pour la renationalisation d’EDF a été donné. Le gouvernement a annoncé, ce mardi 19 juillet, son plan pour que l’Etat acquiert les 16% restants du capital de l’électricien. Lors de sa déclaration de politique générale, le 6 juillet dernier, Elisabeth Borne avait brièvement abordé la question. Celle-ci n’avait suscité aucun débat. La nationalisation d’EDF, voilà un des rares sujets qui, du Rassemblement national à la Nouvelle union populaire écologique et sociale, ne provoque pas de remous dans les rangs de l’Assemblée nationale. Pourquoi cette unanimité pour la nationalisation? Parce qu’il n’y a pas d’autres solutions. EDF va être dans le rouge cette année et sa dette pourrait atteindre 65 milliards d’euros. “Le groupe pourrait ne pas passer l’année”, avertissait il y a quelques semaines Philippe Page Le Merour, secrétaire du Comité social et économique central (CSEC). Pour éviter ce destin funeste, il fallait que l’Etat reprenne la main.
Initialement, le rachat des minoritaires devait coûter quelque 6 milliards d’euros mais le titre a cru de 30% depuis l’annonce d’Elisabeth Borne. L’Etat, déjà actionnaire à 83,9%, va donc mettre sur la table 9,7 milliards. Une somme qui pèse toutefois peu à l’échelle d’EDF. Prolongations des centrales nucléaires, lancement de six voire quatorze EPR, investissements dans la modernisation des réseaux… L’électricien est face à un mur d’investissement de plus de 100 milliards. Avec 100% du capital, l’Etat aura les mains plus libres. Il pourra se financer et emprunter à coût modéré. Pour cette renationalisation, le gouvernement a choisi la voie la plus simple d’une OPA, sans passer par une loi de nationalisation qui aurait été la première depuis 1981.
Ressusciter Hercule
Mais la vraie question est ailleurs. Combien de temps de temps, le nouvel EDF restera-t-il dans le giron de l’Etat? “La nationalisation à 100% ne sera qu’une première étape d’un processus dans lequel on séparera les activités concurrentielles (les renouvelables, les réseaux) des activités non concurrentielles (le nucléaire)”, indique Elie Cohen, économiste et directeur de recherche au CNRS. ” C’est un projet en trompe-l’œil, note un bon connaisseur du monde de l’énergie. Après la nationalisation, l’Etat va procéder à une opération vérité. On verra alors que les comptes sont exsangues et que pour financer son programme nucléaire EDF a besoin de cash. D’où l’idée de vendre l’entreprise par appartements.” Ce qui était déjà en germe avec le plan Hercule. Un plan voulu par Emmanuel Macron dès 2015 lorsqu’il officiait comme ministre de l’Economie. L’an dernier le projet de réforme consistant à organiser le groupe en trois entités distinctes avait été remisé parce que les conditions n’étaient pas réunies. Il y avait le calendrier électoral avec les élections présidentielle et législatives. Il y avait surtout l’opposition résolue des syndicats qui militent pour un EDF intégré. Hercule a donc été repoussé mais pas enterré.
Le gouvernement va-t-il oser le ressusciter dans la foulée de la nationalisation? “Avec la réforme des retraites qui entraînerait la fin des industries électriques et gazières (un statut privilégié dont bénéficient les salariés d’EDF, NDLR) et le retour d’Hercule, la rentrée risque d’être agitée”, dit un proche du dossier. La tâche du gouvernement ne va pas être simple. Outre la colère des syndicats, il devra aussi composer avec l’Union européenne. Bruxelles étant très regardante sur les éventuelles subventions croisées assimilables à des aides d’Etat, EDF devra garantir des séparations claires entre ses différentes divisions, notamment la production d’électricité et l’activité de commercialisation. Un vrai travail herculéen.